Journée du commerce et des marchés de l’OIBT à Lomé: le secteur privé se mobilise pour les forêts
30 mai 2025, Lomé

Les participants à l’Atelier régional de l’OIBT sur les Avis de commerce non préjudiciable de la CITES relatifs aux essences à bois inscrites à l’annexe II et à la Journée du commerce et des marchés de l’OIBT à Lomé (Togo). Photo: OIBT
Alors que la demande mondiale en produits forestiers de source durable s'intensifie et que les cadres réglementaires se complexifient, le rôle du secteur privé dans l'avenir du commerce des bois tropicaux n'a jamais été aussi crucial.
Le 16 mai dernier, l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) a réuni à Lomé, au Togo, des dirigeants de la filière, des instances publiques, des organes de certification et des experts scientifiques à l’occasion d’une journée intensive de dialogue et d’échange sur les défis du commerce et du marché et la responsabilité grandissante du secteur privé.
Organisée en marge de l'Atelier régional de formation aux Avis de commerce non préjudiciable (ACNP) de la Convention sur le commerce international d’espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), notre Journée du commerce et des marchés avait pour objectif d'explorer de nouvelles voies pour un commerce durable, légal et compétitif des bois tropicaux dans un contexte mondial en rapide évolution.
Tout au long de la journée, des experts ont donné leur présentation sur sept différents thèmes interdépendants, offrant des perspectives régionales et internationales sur la gouvernance forestière, l'accès aux marchés et les réglementations commerciales. L'un des moments forts a été l'intervention de M. Richard Ebaa Atyi, du Centre de recherche forestière internationale et d'agroforesterie mondiale (CIFOR-ICRAF), qui a brossé un tableau nuancé de la dynamique actuelle de la demande en bois. Si la demande liée à la construction ralentit sur les marchés à revenus élevés, elle augmente toutefois dans les économies émergentes, les marchés intérieurs du bois prenant en Afrique une importance grandissante.

Soulignant l'urgence de mettre en place une gestion forestière adaptative et respectueuse du climat, M. Atyi a présenté à l’appui des données montrant comment la foresterie de plantation comblait le déficit d'approvisionnement en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, bien qu’elle soit à la traîne en Afrique. M. Atyi a également retracé l'évolution des réglementations internationales sur la gouvernance forestière, de la CITES au Plan d’action relatif à la réglementation forestière, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT) et au nouveau Règlement sur la déforestation de l’Union européenne (RDUE), appelant à une meilleure harmonisation entre incitations économiques et intégrité environnementale.
Lors d'une séance consacrée au RDUE, M. Frank-Xaver Kraft, de la Fédération allemande du commerce du bois, a présenté une évaluation critique de ses implications pour les exportateurs. Si le RDUE apporte une clarté juridique et une ambition environnementale, ses exigences sont complexes et mal comprises sur les différents marchés. M. Kraft a souligné que la conformité au RDUE dépendait de l'efficacité des systèmes de diligence raisonnable, de la transparence et de la coopération internationale.
Ce point a été renforcé par M. Lucas Millet, du Programme de reconnaissance des dispositifs de certification forestière (PEFC), qui a décrit comment les normes de certification évoluaient pour s'aligner sur les critères du règlement sur le bois, permettant ainsi aux entreprises responsables d’apporter plus facilement la preuve de la légalité de leurs sources d'approvisionnement et leur absence de déforestation.
M. Emmanuel Ebanyenle, de l’Institut de recherche forestière du Ghana rattaché au Conseil de recherche scientifique et industrielle (CSIR), a mis l'accent sur l'innovation et la technologie en présentant l'application mobile Xylorix PocketWood, un outil capable d'identifier une essence de bois en quelques secondes grâce à son analyse anatomique. Il a souligné le besoin croissant de pouvoir disposer d'outils de suivi et de vérification du bois en temps réel, en particulier dans les pays vulnérables à l'exploitation forestière illégale. L'identification et la traçabilité numériques, a-t-il déclaré, sont des éléments essentiels pour garantir la crédibilité et l'accès au marché.

Offrant une perspective différente, M. Ngo Sy Hoai, de l'Association vietnamienne des produits forestiers et du bois (VIFOREST), a présenté la réussite de la transformation du secteur forestier au Viet Nam. Après des décennies de déforestation, le Viet Nam est aujourd’hui l'un des principaux exportateurs de produits bois grâce à ses importants investissements dans les plantations forestières, à sa réforme juridique et à ses mécanismes de financement innovants, tels que les paiements pour les services écosystémiques et la vente de crédits carbone REDD+. Le message de M. Hoai a été clair: même les pays qui ont une histoire forestière très difficile peuvent se repositionner en associant réglementation, reboisement et innovation dans le secteur privé.
L'attention s'est également portée sur la chaîne d'approvisionnement au sens large. Mme Luo Xinjian, représentant l’Initiative sur les chaînes d’approvisionnement mondiales vertes (GGSC), a décrit comment des plateformes internationales coordonnées pouvaient encourager les pratiques durables en imbriquant la finance verte, la réforme des politiques et la responsabilité des entreprises. Elle a affirmé que des chaînes d'approvisionnement légales et durables en bois sont essentielles non seulement pour la conservation des forêts, mais aussi pour la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD). Ce qui concorde avec les objectifs de l'OIBT dans le cadre de son Programme relatif aux chaînes d'approvisionnement légales et durables (LSSC).
Les voix régionales africaines ont jeté un regard franc sur les réalités du terrain. Dans le bassin du Congo, si les forêts du Gabon restent certes étendues, la production et les exportations de bois y ont toutefois considérablement diminué. En revanche, des pays comme le Ghana connaissent une augmentation de leur consommation intérieure et une diversification des produits du bois, le teck devenant un produit d’export dominant. Tout en luttant contre la déforestation, la Côte d’Ivoire enregistre des progrès en matière de traçabilité numérique et de transparence. Les intervenants ont souligné l'urgence d'harmoniser la légalité, la durabilité et le développement industriel, d'autant plus que les producteurs africains sont soumis à une pression croissante pour se conformer à des réglementations commerciales internationales complexes.

La dernière séance de la journée a été consacrée aux implications commerciales de l’annexe II à la CITES. M. Steve Johnson, consultant auprès de l'OIBT, accompagné d'experts tels que Mme Ashley Amidon, de l’Association internationale des produits bois (IWPA), et M. Franck Monthe, de l'Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT), a examiné comment l'inscription d'essences à l’annexe II influait sur la conservation, la légalité et la dynamique du marché. La discussion a mis en évidence le désir partagé d’avoir une plus grande transparence dans le processus d'inscription, un meilleur soutien aux États de l'aire de répartition de l’essence concernée et des directives claires pour les procédures d'importation et d'exportation. Les panélistes ont également exploré les risques posés par les États non membres de l'aire de répartition qui soumettent des propositions d'inscription sans coordination, ce qui est susceptible de compliquer le commerce durable plutôt que de le renforcer. Dans la CITES, les États de l'aire de répartition sont les pays où une espèce ou son habitat naturel est présent à l'état naturel, tandis que les États non membres de l'aire de répartition sont ceux où l'espèce n'est pas présente à l'état naturel.
À la fin de la journée, M. Mohammed Nurudeen Iddrisu, Directeur du commerce et de l'industrie à l'OIBT, a rappelé aux participants que la durabilité n'était pas seulement une obligation, mais aussi un avantage concurrentiel. «Les marchés de demain exigeront la légalité, la traçabilité et la responsabilité», a-t-il déclaré. «Et le secteur privé devra soit mener cette transformation, soit être laissé pour compte.» Il a exhorté tous les acteurs, des gouvernements aux entreprises en passant par la société civile, à travailler ensemble pour mettre en place un commerce du bois qui non seulement réponde aux besoins économiques, mais protège également la biodiversité et améliore les conditions de vie des communautés tributaires des forêts.

Le message qui est clairement ressorti de ce dialogue est le suivant: la voie vers un commerce durable est complexe, mais praticable. Selon les termes de Mme Sheam Satkuru, Directrice exécutive de l'OIBT: «Le secteur privé n'est pas seulement une partie prenante, il est, et pourrait être, un puissant moteur d’une évolution durable».
Grâce à l'engagement indéfectible de l'OIBT à organiser, soutenir et orienter ces dialogues, et à la pleine participation du secteur privé, tout porte à croire que ces discussions déboucheront sur des actions concrètes et favoriseront une transformation durable dans l'ensemble du secteur des bois tropicaux.