Investissement et GDF: la clé de l’innovation pour les producteurs de bois tropicaux

24 juillet 2025, Yokohama

Les panélistes, dont la Directrice exécutive de l’OIBT, Sheam Satkuru, se sont exprimés lors du webinaire de la FAO le 10 juillet dernier.

Si bon nombre des 37 pays membres producteurs de bois tropicaux de l'OIBT ont adopté des outils et des mécanismes innovants, le niveau varie toutefois d’un pays à l’autre et existe donc de nombreuses possibilités de progression. Telles sont quelques-unes des principales conclusions tirées de la participation de la Directrice exécutive de l'OIBT, Sheam Satkuru, à un récent webinaire organisé par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Mme Satkuru a souligné que l'adoption d’outils et technologies novateurs dépendait de la possibilité d’accéder à des financements et des capacités des pays producteurs.

«Malheureusement, l'innovation a toujours un coût», a déclaré la Directrice exécutive de l'OIBT, en ajoutant que, pour garantir l'innovation dans la mise en place d'une bioéconomie, il fallait commencer par mettre en œuvre une gestion durable des forêts (GDF).

Mme Satkuru a participé à une table ronde lors du webinaire du 26 juin 2025, le troisième d'une série organisée par la FAO sur les approches durables de la bioéconomie forestière. Les panélistes ont évoqué la manière dont l'innovation, les progrès technologiques, la production durable et la participation des jeunes pourraient faire progresser des solutions reposant sur une bioéconomie forestière afin de garantir que l'offre en ressources réponde à la demande grandissante.

Transformation de bois de caoba (Swietenia macrophylla) dans un atelier au Pérou. Photo: SERFOR

Investir pour favoriser l’innovation

La Directrice exécutive de l'OIBT a souligné les besoins majeurs des pays producteurs en matière d'adoption d'outils et de technologies innovants, notamment sur le plan du renforcement des capacités, de la formation et de l'accès à des financements durables. Elle a ajouté que des investissements importants, accompagnés de mesures incitatives fiscales et non fiscales, étaient essentiels.

Mme Satkuru a déclaré que les gouvernements des pays tropicaux devaient également contribuer à leurs propres ressources forestières et y investir. Elle a souligné que beaucoup ont déjà investi dans le secteur forestier parce qu'ils avaient pris conscience de l'importance de ces ressources, non seulement pour leur pays, mais aussi pour leur population.

Pour gérer la demande croissante en bois et autres produits forestiers non ligneux sans néanmoins compromettre les ressources futures, il faut innover tout au long de la chaîne d'approvisionnement en produits forestiers. Or, de par son double mandat, qui consiste à promouvoir la GDF chez ses pays membres et à diversifier le commerce international de produits forestiers obtenus dans le respect de la légalité et suivant des pratiques durables, place l’OIBT à l'avant-garde des efforts visant à adopter et à mettre en œuvre des mécanismes innovants pour la gestion des ressources forestières tropicales.

Un aspect essentiel de la GDF tient à la mise en place de chaînes d'approvisionnement légales et durables. Selon Mme Satkuru, «il faut que de nombreux pays tropicaux s'engagent à intégrer des chaînes d'approvisionnement légales et durables pour les produits dérivés du bois tropical, mais aussi à adopter des modes de production, de consommation et de commerce durables et à les adapter».

Des réformes sur le plan juridique et de la politique forestière sont une autre voie que préconise l’OIBT pour susciter la mise en œuvre de la GDF.

Mme Satkuru a cité des exemples de pays producteurs qui exploitent de nouveaux outils et technologies de diagnostic.

Elle a évoqué la création d'une application pour smartphone développée avec le soutien de l'OIBT qui améliore l'efficacité du suivi du bois et permet une meilleure traçabilité tout au long de la chaîne de production forestière au Guatemala. Les utilisateurs photographient un bloc de grumes, ou d'autres produits dérivés du bois, et l'application, appelée Cubicación de Productos Forestales (cubage de produits forestiers, CUBIFOR), génère un rapport indiquant  les volumes obtenus.

Ce système CUBIFOR et d'autres innovations en matière de traçabilité développées avec le soutien de l'OIMT sont des exemples de technologies qui peuvent être reproduites dans d'autres pays producteurs afin d'y améliorer l'efficacité, la gestion forestière et le commerce des produits dérivés de bois tropicaux. Mme Satkuru a également mentionné d'autres domaines prometteurs en matière d'innovation, tels que les technologies de système d’information géographique (SIG) et de télédétection.

CUBIFOR a fait l’objet d’une étude de cas dans l’édition 2024 de Situation des forêts du monde: Innovations dans le secteur forestier pour un avenir plus durable, la publication phare de la FAO.

Le système CUBIFOR et d'autres innovations en matière de traçabilité développées avec le soutien de l'OIBT sont des technologies reproductibles susceptibles d’aider d'autres pays producteurs à améliorer leur efficacité, à renforcer la gestion forestière et à stimuler le commerce des produits forestiers tropicaux. Photo: INAB

Compétences, partenariats et harmonisation des politiques

Au cours du webinaire, des intervenants de Nouvelle-Zélande, des Îles Salomon et de l'Association internationale des étudiants en foresterie ont réitéré la nécessité de créer des environnements propices à l'investissement et à l'innovation. Le renforcement des capacités, l'adoption de politiques inclusives et l'adoption de technologies de pointe sont autant d'éléments indispensables pour développer à grande échelle les solutions bioéconomiques basées sur les forêts.

Vaeno Vigulu, doyen de l'Université nationale des Îles Salomon, a partagé les enseignements tirés de son expérience au sein du gouvernement et de la filière sur les principaux facteurs favorisant la croissance et la durabilité du secteur forestier des Îles Salomon. La formation et le renforcement des capacités sont essentiels, les universités jouant un rôle capital dans la formation de diplômés qualifiés et dans l'acquisition des connaissances nécessaires pour répondre aux normes internationales au niveau des petits producteurs.

M. Vigulu a décrit comment les innovations issues d'une transformation nationale de qualité et d'une production créatrice de valeur ajoutée ont simultanément créé des opportunités d'emploi et répondu aux préoccupations environnementales. Il a appelé à une collaboration entre petits producteurs, secteur privé et bailleurs de fonds afin de partager les meilleures pratiques, de faciliter l'accès au financement et de développer les marchés d'exportation pour les produits à valeur ajoutée. M. Vigulu a expliqué en détail le rôle majeur que jouent les pouvoirs publics et les organisations internationales telles que l'OIBT dans l'élaboration et l'application de politiques et de réglementations efficaces.

Les participants à la Semaine de la bioéconomie colombienne à la manifestation tenue à Medellín du 28 au 30 mai dernier. Photo: FEDEMADERAS

Inclusion et rôle de la jeunesse

Mme Satkuru et le groupe d'experts ont appelé à une plus grande participation des jeunes, des femmes et des communautés autochtones pour définir l'avenir de la bioéconomie forestière.

Ngozi Peace Edum, représentant l’Association internationale des étudiants forestiers (IFSA), a plaidé pour que l’on aide davantage les jeunes professionnels par le biais de financements pour la recherche, de programmes de mentorat et de plateformes permettant de présenter des idées innovantes.

 

Mme Edum a parlé de la valeur d'une recherche inclusive sur la bioéconomie forestière qui aborde les problèmes communautaires et comble le fossé entre les besoins des différentes régions du monde.

L'OIBT soutient de longue date l'innovation par les jeunes dans le cadre de son Programme de bourses, qui a permis à plus de 1 400 professionnels, jeunes ou déjà dans la vie active, de poursuivre leur développement professionnel et d'améliorer leurs perspectives d'emploi.

Outils porteurs de transformation au service d’une bioéconomie fondée sur les forêts

Florian Graichen, Directeur des opérations chez Scion New Zealand, a expliqué comment les technologies émergentes pouvaient stimuler le développement d’une bioéconomie forestière. Il a souligné le rôle que jouent les technologies d'intelligence artificielle (IA) et de transformation avancée en tant que catalyseurs à fort potentiel.

M. Graichen a préconisé l'adoption de l'IA pour divers processus forestiers, notamment le suivi des forêts, la comptabilisation du carbone, le développement de matériaux renouvelables et la gestion du foncier. Il a souligné que l'avenir de la gestion forestière dépendra d'outils de pointe permettant une intégration et une modélisation efficaces des données.

Une fabrique de meubles destinés au marché intérieur en Indonésie . Photo: Tetra Yanuariadi/ITTO

Gestion durable des forêts: étapes ultérieures

Alors que les discussions se poursuivent et que de nouvelles innovations technologiques voient le jour, Mme Satkuru a insisté sur la nécessité d'un effort concerté pour faire progresser une économie forestière durable. Cela implique notamment d'établir des définitions communes, de coordonner les stratégies de communication et d'encourager l'adoption d'innovations qui dotent les pays producteurs et les communautés des outils dont ils ont besoin pour prospérer.

La collaboration entre les pays producteurs et consommateurs est essentielle pour mettre en place une chaîne d'approvisionnement mondiale en bois tropicaux qui soit fondée sur la GDF et pour faire progresser les objectifs de développement durable des Nations Unies, ce tout en répondant aux besoins socio-économiques. 

Mme Satkuru a souligné l'importance de reconnaître les utilisations des essences à bois moins connues afin de réduire la pression sur les essences commerciales; de soutenir la plantation d'arbres à des fins d'exploitation forestière en complément des forêts naturelles; et de donner la priorité à la coordination de chaînes d'approvisionnement adaptables et acceptables à l'échelle du globe, autant de principes fondamentaux sur lesquels reposent les approches actuelles relatives à la bioéconomie forestière.

Pour visionner la vidéo de l’intégralité du webinaire: